Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/441

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« anti-dreyfusards », se trouvèrent confondus avec les cléricaux. Les réactionnaires les entourèrent, les paralysèrent, tout en exploitant leur notoriété, en se couvrant de leur républicanisme. Les modérés, les timorés du parti républicain prirent peur. Ils craignirent d’être combattus aux élections comme ayant pactisé avec la réaction. Les militants du parti socialiste se mettaient à la tête du mouvement, et Clemenceau, effrayé à l’idée d’être dépassé, d’être laissé en arrière, emboîtait le pas à Jaurès. L’armée fut donc violemment attaquée, sous couleur de réhabiliter Dreyfus, et l’esprit anti-militariste se répandit dans une portion du parti. Les instituteurs furent les premiers gangrenés. Ils avaient été flattés de se ranger parmi les défenseurs de Dreyfus à côté des intellectuels renommés et des libertaires de marque : ils suivaient avec orgueil Anatole France, Monod, Psichari, Mirbeau, Sébastien Faure et tant d’autres recrues inattendues. Pourquoi les maîtres d’école, avec les maîtres de conférences, s’occupaient-ils d’un procès militaire ? En réalité l’affaire Dreyfus n’aurait pas dû dépasser les limites d’une action judiciaire. Dans le calme du prétoire, loin des réunions publiques, sans pamphlets ni polémiques de presse, elle devait être circonscrite par l’examen, attentif et impartial, d’une procédure plus ou moins régulière, et d’une sentence plus ou moins révisable. On a révisé plus d’un arrêt et proclamé l’erreur, ou tout au moins l’insuffisance de preuves, dans plusieurs affaires criminelles, sans un pareil tumulte. La cause de ces condamnés réputés innocents, présentée sans doute au début par un journaliste apitoyé et convaincu mais sans éclat, sans outrages, un simple appel à l’humanité et à la justice, fut uniquement plaidée par des avocats, discutée par des magistrats. Ces révisions n’eurent que