Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/86

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plutôt cherché à peindre les caractères. C’est pour cela que Zola est bien plus proche, dans ses romans qualifiés de réalistes, de Shakespeare et de Hugo que de Richardson ou de Dickens. Avec Shakespeare, sur lequel la littérature italienne eut si grande influence, ce fut, en effet, Victor Hugo qui eut en lui une pénétration dominatrice. Et, cependant, il ne fut jamais qu’un poète noué, comme Chateaubriand, ou plutôt un lyrique avorté. Il ne reprenait sa vigueur et sa souplesse que lorsqu’il cessait de vouloir écrire en vers. Sa muse aptère retrouvait des ailes, et de quelle envergure puissante, quand, renonçant à se débattre dans le champ poétique, il lui donnait son vol dans la prose. Il lut avec plaisir André Chénier, le pasticheur élégant de l’antiquité pastorale, mais ce Grec modernisant n’eut sur lui aucune action sensible. Il produisit plutôt une réaction. Zola reconnaît la grâce de ses vers, mais il lui reproche son style mythologique et son goût du monde antique. Le génie, sans doute, sait faire tout accepter, et les naïades d’Homère, comme les ondines d’Ossian, lui appartiennent, mais le jeune rimeur du collège d’Aix, déjà préoccupé par la vie présente, rêvait d’une poésie qui n’imiterait pas plus les chantres de la Grèce que les bardes du Nord, et ne parlerait « ni de Phœbus ni de Phœbé » . Chénier est placé justement à un rang mixte, dans la radieuse théorie de nos poètes. Il est confondu tantôt avec les classiques, tantôt avec les modernes, comme ces officiers d’une armée en marche, qui, placés entre deux bataillons, semblent tour à tour appartenir à la dernière file du premier et ouvrir l’avant-garde du second. Il fut le poète de transition. L’antiquité charmait André. Il butinait tout le miel de l’Attique. C’était d’ailleurs le goût de son temps. Beaucoup d’hommes de