Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mais il donnerait, aux créations de sa pensée, les mêmes passions outrancières ; il leur prêterait, dans un décor différent, des truculences et des exagérations à peu près identiques, en s’appuyant, il est vrai, sur des documents soigneusement collectionnés, en dépouillant des dossiers, en consultant des notes et des procès-verbaux. Il resterait d’ailleurs ainsi dans la réalité : la Gazette des Tribunaux n’est-elle pas le dernier recueil romantique ? Son indignation contre le romantisme, après une lecture de Laprade, est curieuse à noter : Il faut réagir contre ces êtres passionnés, qui sont ridicules quand ils ne sont pas sublimes. Oui, il faut laisser là les Muses de l’égout, les effets violents, les couleurs criardes, les héros dont la singularité physiologique fait toute l’originalité… On semblerait entendre, vingt ans plus tard, un critique, et non des moindres, Paul de Saint-Victor, romantique attardé, s’indignant contre « la Muse de l’égout » qui, pour lui, était celle de Zola : Cette semaine, par corvée de métier, j’ai ouvert, pour la première fois, le soupirail qui mène à l’Assommoir. Voici le trou, voici l’échelle, descendez ! Je suis descendu. J’ai parcouru, à travers un ennui noir et une répugnance écœurante, cet égout collecteur des mœurs et de la langue, enjambant à chaque pas des ruisseaux fangeux, des tas de linges sales humés avec ivresse par leurs ignobles brasseurs… Zola, à l’époque où il fulminait son anathème, aussi excessif, aussi déraisonnable que celui de Paul de Saint-Victor, pourtant fin critique littéraire et écrivain très coloriste, subissait la pleine influence d’Alfred de Musset. Celui-là, c’était son dieu, son maître, son idéal et son modèle ! Il devait, plus tard, renier sensiblement