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Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/214

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que les hommes de votre profession ont un code cruel d’après lequel la plus légère injure, la plus petite offense doit être lavée dans le sang. Oh ! colonel Evelyn — et elle plaça sa main tremblante sur le bras du militaire, pendant que ses yeux, suppliants comme la prière, lui faisaient un appel irrésistible, — promettez-moi que vous ne vous occuperez pas de cette malheureuse affaire, que vous n’exigerez pas du major Sternfield une excuse qu’il pourrait peut-être vous refuser.

Ce fut pour Evelyn une sensation nouvelle que de se voir imploré aussi vivement par cette aimable et jolie jeune fille, et il se réjouit intérieurement de ce que son cœur n’était pas encore assez insensible pour pouvoir résister entièrement à son influence.

— En faveur de qui me conjurez-vous aussi ardemment, est-ce pour moi ou pour le major Sternfield ? demande-t-il en prenant dans sa main puissante et bronzée les petits doigts blancs comme la neige qui tenaient son bras.

— Pour tous les deux ! répondit-elle d’une voix agitée et pleine de confusion.

— Écoutez-moi bien, mademoiselle de Mîrecourt. Je vous donnerai la promesse que vous me demandez, je me lierai pour ainsi dire les mains et les pieds si, en retour, vous voulez répondre franchement à ma question et pardonner l’indiscrétion que je commets en vous la posant ?

— Parlez ! dit-elle à voix basse.

— Dites-moi alors : aimez-vous Audley Sternfield ?