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Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/337

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Antoinette tressaillit.

— Hélas ! dit-elle, j’ai déjà bien amèrement déploré ma folie, mais cela ne la réparera pas : j’ai encore devant moi une longue expiation.

— Et combien de temps allez-vous rester dans cette maison, pauvre chère enfant ?

— Jusqu’à ce que tout soit fini, s’il m’en donne la permission.

— Excusez-moi, mais de quel service peut lui être votre présence ici ? Revenez à la maison, venez. Il n’est pas convenable pour une jeune dame de votre âge d’être seule ici, sans autres personnes que des soldats et de galants officiers.

— Jeanne, quand bien même mon père viendrait me chercher, je ne pourrais pas, je ne voudrais pas m’en aller.

— Alors, je suppose qu’il est inutile d’insister en face d’une détermination aussi formelle ; mais ce fut un jour bien fatal pour nous tous que celui où l’habit rouge a fait sa première apparition dans notre demeure si paisible. Rentrez, ma chère demoiselle Antoinette ; je vais m’asseoir ici, car ce beau major qui m’a toujours regardée avec le plus superbe dédain, n’aimerait peut-être pas à me voir dans sa chambre funèbre.

— Mais, Jeanne, vous serez mal à l’aise ici : il y a tant de figures étrangères qui passent et repassent.

— Et qu’y a-t-il autre chose à craindre que de les voir me regarder ? Une vieille femme comme moi