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Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/34

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figure était plus pâle et son air plus réservé que d’habitude. Pendant toute la promenade, en dépit des efforts qu’il fit pour être gai, il parut très-préoccupé, ce qui lui valut les railleries de sa jolie compagne. Quelque fut le sujet de la conversation, il ne laissa échapper aucune déclaration d’amour, et, de retour au Manoir, il prit congé du groupe animé qui s’était formé autour du grand poêle et n’y revint qu’au bout d’une couple d’heures.

La première personne qu’il rencontra en entrant au salon fut Corinne qui, avec un calme sourire sur son pâle visage, lui dit qu’elle espérait « qu’il s’était bien amusé au cours de la promenade ? »

— Médiocrement, répondit Arthur. Mais dois-je te dire, sœur, que j’ai suivi tes conseils ou non ?

Cœur courageux ! aucune contraction de ses traits, aucun froncement de ses sourcils ne laissèrent deviner les terribles souffrances qu’elle éprouvait.

— Oui, répondit-elle d’une voix basse mais claire, dis-moi que tu as rempli les vœux de la meilleure des mères, les souhaits de tous tes amis.

Il plongea sur elle un œil pénétrant et poursuivit :

— Me féliciterais-tu, Corinne, si j’avais agi ainsi, et si ma démarche avait été couronnée de succès ?

À cette question inattendue, le visage de la jeune fille se couvrit d’un vif incarnat qui disparut presqu’aussitôt ; puis, se levant, elle répondit tranquillement et presque froidement :