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Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/84

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cherchent à faire contracter à leurs enfants des mariages qui sont leur malheur, et les empêchent d’en faire qui pourraient leur procurer le bonheur. Une jeune fille doit avoir assez de cœur pour ne permettre à aucune autorité de s’interposer entre elle et celui qu’elle aime, surtout quand celui qu’elle aimé est un bon parti.

Sans remarquer l’inconséquence frappante qu’offrait la dernière partie de ces observations avec ce que sa cousine avait déjà dit, Antoinette se contenta de répondre :

— Tu ne devrais pas parler ainsi, Lucille. Je ne sais pas ce que peuvent être certains pères ; mais ce que je sais, c’est que le mien a toujours été bon et indulgent pour moi, c’est qu’il a toujours agi d’une façon qui lui a mérité mon plus sincère amour et mon plus profond respect.

— Tant que tu as été soumise en toutes choses à sa volonté, tout a été au mieux ; mais attends que tu te sois avisée de différer avec lui sur quelque point important, et tu verras. Crois-moi, chère, j’en connais plus de la vie qu’il ne te serait possible d’en savoir : tu auras avant peu l’occasion de reconnaître la justesse de mon opinion.

Hélas ! quel guide dangereux était échu en partage à Antoinette ! Combien peu de chances avait son candide jugement d’enfant pour lutter contre les brillants sophismes de cette femme du grand monde !