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Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/91

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— Antoinette ! — s’écria Beauchesne en s’approchant et en fixant sur elle un regard pénétrant, — Antoinette ! soyez pétulante, sévère si vous le voulez ; mais ne soyez pas injuste. Oui, je vous aime, et si l’expression de mon amour ne prend pas le caractère de frénésie que les héros de romans et de mélodrames se croient tenus d’afficher, elle n’en est pas moins sincère ni moins entière.

Pauvre Louis ! en ce moment même, Antoinette établissait dans son esprit — au grand désavantage du jeune homme — un parallèle entre la déclaration calme et pleine de sincérité qu’il venait de lui taire, et les paroles brûlantes, les regards passionnés qu’Audley Sternfield avait mis en réquisition. Peut-être ses pensées se trahirent-elles au dehors, car ce fat avec amertume que Beauchesne reprit presqu’aussitôt :

— Mais j’oubliais une chose importante : vous avez peut-être reçu, depuis votre arrivée dans cette maison, les aveux de ceux qui sont passés maîtres dans l’art où je ne suis, moi, qu’un pauvre novice. Quelles faibles chances de succès ont alors mes paroles simples et pleines de naturel, contre la brillante éloquence de ces hommes d’épée qui ont peut-être fait profession d’amour sous une douzaine de cieux et courtisé autant de femmes : je lutte sous un Singulier désavantage. Vous oubliez donc, Antoinette, que vous êtes la première idole que mon cœur ait adorée secrètement, que vos oreilles sont les premières dans lesquelles j’aie glissé des mots d’amour et de tendresse !