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Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/105

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pour sa petite main aristocratique, et lorsqu’il ôta un de ses gants, je fus étonné de la blancheur et de la finesse de ses doigts. Sa démarche était nonchalante et paresseuse. Mais je remarquai qu’il ne gesticulait point, indice certain d’un caractère dissimulé. Du reste, c’est là une remarque qui m’est personnelle et fondée sur mes observations, et je ne veux point vous forcer d’y croire complètement. Lorsqu’il se baissa sur le banc, sa taille droite se courba comme s’il n’avait pas eu d’épine dorsale. La position de tout son corps accusait une grande faiblesse nerveuse et il s’assit comme s’assoit sur des coussins, après un bal fatigant, une coquette de trente ans de Balzac. Au premier coup d’œil jeté sur son visage on ne lui aurait pas donné plus de vingt-trois ans, quoique plus tard, je fusse disposé à lui en donner trente. Dans son sourire il y avait quelque chose d’enfantin ; sa peau avait la douceur de celle d’une femme ; ses blonds cheveux frisaient naturellement et ombrageaient d’une manière pittoresque son front pâle et plein de noblesse, sur lequel, après une longue observation, on pouvait apercevoir les plis des rides qui s’entrecroisaient et étaient profondé-