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Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/150

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BALAOO

coronoïdes, comme il eût fait d’un piège à loups qu’il s’agirait de tendre. Balaoo, qui bave, regarde de ses bons gros yeux ronds, qui pleurent, Mlle Madeleine qui assiste, attristée, à l’opération. Ainsi, le patient, qui va se faire arracher une dent, fixe, avec une morne et douloureuse angoisse, la personne dévouée qui a bien voulu l’accompagner chez le praticien.)

M. Herment de Meyrentin. — Il a des dents admirables !

Coriolis. — Regardez-moi ce pharynx. (Balaoo pense : « Il ne s’aperçoit pas qu’il me crache dans la bouche »).

M. Herment de Meyrentin. — Vous avez perfectionné ce pharynx, modifié cette arrière-gorge, travaillé ces cordes vocales, et cela vous aurait suffi, d’après vous, pour faire d’un s… d’un quadrumane… un homme !…

Coriolis (qui laisse un instant reposer la mâchoire). — Pourquoi pas ? Il n’est pas difficile de prouver qu’entre l’homme et les animaux immédiatement inférieurs à lui, les différences anatomiques ne sont pas plus prononcées qu’entre d’autres membres d’un seul et même ordre[1] !

M. Herment de Meyrentin. — Tout de même, mon cher, il y a un abîme entre le si… la bête et l’homme…

Coriolis. — « J’estime autant que quiconque la dignité de la nature humaine, j’admets aussi volontiers que quiconque la largeur de l’abîme béant entre l’homme et le reste de la création par rapport aux problèmes intellectuels et moraux » ; mais, même à ce dernier point de vue intellectuel et moral, je prétends qu’avec la modification de la structure, l’abîme peut être comblé !

M. Herment de Meyrentin. — Votre parole me

  1. Du Singe à l’Homme, par Th. Huxley.