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Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/246

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BALAOO

Eh bien ! il en donnerait !… qu’à cela ne tienne ! Il en donnerait ! Il en appellerait au témoignage de ceux qui avaient parlé à M. Noël, à Mme Boche, à Mme Mure, aux petits commerçants de la rue Neuve, et même à ces sacripants de frères Vautrin, dans leur prison, car le docteur Coriolis ignorait tout de leur évasion. Et l’on saurait ce qu’on avait tué !… ce qu’on avait à jamais fait taire ! la parole humaine dans la gorge d’un singe !

Comme il en était à cette période nouvelle de son désespoir, il vit des groupes qui sortaient de la forêt et qui marchaient lentement devant quelque chose qu’il ne pouvait encore distinguer, mais qui ressemblait à un fardeau jeté sur des branches d’arbres, et il ne douta plus que ce fût la dépouille mortelle de Balaoo que l’on rapportait au village. Bientôt, il reconnut, en tête, le Maire et le Préfet qu’il avait vus de loin, la veille, et dont la bizarre attitude lui avait déjà causé tant d’inquiétude. Tous deux semblaient parler avec une grande agitation et faisaient les gestes d’une désolation immense. Des soldats, des paysans, suivaient avec les mêmes gesticulations. Et tout ce monde accompagnait l’espèce de litière funèbre sur laquelle on avait rejeté un grand manteau militaire. Au fur et à mesure que le cortège avançait, on voyait mieux les détails. Quand la litière passa au pied de la tour, Madeleine et Gertrude éclatèrent en sanglots, cependant que Coriolis, pâle comme un mort se penchait à tomber, pour mieux voir. Mais il ne vit rien d’autre que le manteau sous lequel se dessinait une forme humaine qui devait être la forme de Balaoo !…

Ce cortège passé, il en arriva tout de suite un autre, et c’était encore des tas de gens et des militaires autour d’une civière recouverte d’un manteau avec, dessous, une