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Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/334

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BALAOO

ment, et ils traversèrent rapidement les deux compartiments du wagon-restaurant avec l’allure cahotée de gens ivres et en querelle. Ils étaient l’objet d’une curiosité générale et leur attitude prêta à rire. Balaoo, qui n’avait pas encore quitté la passerelle reliant le wagon-restaurant à la voiture adjacente, se retourna furieux, croyant certainement qu’on se moquait de lui.

Patrice fut comme aveuglé par la double flamme de ce regard de bataille… et il frissonna jusqu’aux moelles. Il venait de reconnaître le regard du monstre au masque noir de la côte du Loup.

Madeleine avait pressé le pas derrière Balaoo qui venait de gagner le couloir, précipitamment. Derrière Madeleine, Patrice arma son revolver… et ils se poursuivirent ainsi tous les trois. Madeleine, d’une voix sourde, appelait : Balaoo !… Balaoo !… L’autre, certainement, entendait, mais ne tournait plus la tête… tout à sa fuite le long du corridor… Il glissait comme une ombre entre les voyageurs stupéfaits qui suivaient de leurs yeux effarés une poursuite qui avait l’air d’un jeu…

— Balaoo ! ordonnait la voix de Madeleine ; mais c’est en vain que cette voix se faisait autoritaire à l’instar de celle d’un maître de cage qui se prépare à fouailler ses bêtes… l’autre n’obéissait plus !… Alors, comme il gagnait du terrain, la voix de Madeleine se fit douce, cette fois et suppliante… et elle lança le Balaoo ! qui l’avait toujours ramené, gémissant, à ses pieds, aux pires heures de révolte de son cerveau sauvage… Mais Balaoo ne parut même pas l’avoir entendue et se jeta dans le corridor de la troisième voiture. Quand ils arrivèrent, ils ne le virent plus… et c’est en vain qu’ils fouillèrent tout le train., dans une inquiétude galopante. Balaoo avait disparu !…