Aller au contenu

Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
348
BALAOO

un morceau de la robe blanche aux doigts de l’un des albinos.

Et il ne douta plus que son enfant n’eût été le butin convoité de cette bataille de sauvages. Sa pensée, plus rouge que la forêt crépusculaire en flammes, lui développa d’un coup toutes les phases du tournoi de mort et de sang.

Les brutes hommes s’étaient dressés contre l’animal en lui voyant une si belle proie et ils avaient voulu, eux aussi, la lui ravir.

Ils étaient morts, et Balaoo avait transporté ailleurs l’objet sacré de cette lutte de dieux. Balaoo !… Balaoo !…

Moabit soudain tomba dans la nuit noire, et Coriolis se heurta aux murailles vivantes de la clairière qui referma sur lui ses bras de branches et ses mains de feuilles. Et il s’y laissa aller, au bout de son désespoir, comme en un berceau…

Au matin, il se réveilla et il crut rêver encore en voyant, penchée sur lui, la figure triste et grave de Balaoo…

Il voulut crier. Balaoo, le doigt sur la bouche, lui ordonna le silence.

— Prends garde ! dit l’anthropopithèque, dont la voix semblait, pour arriver jusqu’à lui, traverser des larmes, des larmes, tout un lac désespéré de pleurs… Prends garde !… Tu vas la réveiller…

— Est-elle morte ?… Est-elle vivante ?…

— Elle dort !… Silence !…

— Est-elle morte ? Est-elle vivante ?…

— Elle dort et il ne faut pas la réveiller…

Et, le doigt sur la bouche, marchant devant lui, tournant de temps à autre la tête pour constater qu’il était suivi, Balaoo lui fit faire un très grand chemin à travers