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Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/58

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BALAOO

riolis, qui avait hâte d’aller rejoindre sa plante à pain, les laissa seuls. Madeleine, tout de suite, dit à Patrice :

— J’ai bien réfléchi à ce que t’a dit (ils se tutoyaient depuis leur plus jeune âge, comme frère et sœur) cet idiot !… De deux choses l’une, ou l’assassin te connaissait, ou il ne te connaissait pas. Il te connaissait puisqu’il t’appelait par ton nom en te commandant de ne pas bouger de l’endroit ou tu étais. Et, te connaissant, comment eût-il pu se tromper aussi grossièrement, au moment de t’étrangler et de te pendre ? voyait-on clair dans cette salle de billard ?

— Bien sûr qu’on y voyait assez clair… et la preuve, c’est que j’ai très bien vu la figure de Blondel.

— Alors, lui aussi devait la voir ; tranquillise-toi donc, Patrice. Et donne-moi des nouvelles de ma tante. Ne pense plus à cette affreuse histoire. Tout ça, c’est des vengeances politiques qui ne nous regardent pas.

— Encore les Vautrin, hein ?…

Ils passaient près de la grille qui donne sur les champs.

— Prends garde ! ne parle pas si fort. Il y a toujours un des albinos qui rôde de ce côté. Quelle plaie pour le pays !

Ils restèrent un instant en face de la grille, regardant un petit toit qui émergeait de terre, là-bas, au bord de la route. C’était la demeure des Vautrin. Hubert ! Siméon ! Élie ! les trois jumeaux que la mère Vautrin avait mis au monde comme une portée de loups, les trois petits gas qui avaient été d’abord l’amusement du pays et qui en étaient maintenant la terreur. Chacun, longtemps, s’était dit leur ami, tant on les craignait. Et encore aujourd’hui, quand on les croisait sur les routes, c’était à qui leur serrerait la main, bien sûr. Seulement