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Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/151

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Et tout en peignant, il se traitait tout haut de la plus méchante façon : Bestia de Titin ! Fan d’aquella ! (enfant de celle-là, la pire injure), « Fada ! Estassi ! Què malla ! » (bête de Titin ! Idiot ! Imbécile !… Quel ballot ! ) « Est-ce qu’elle sait, la pôvre, si je l’aime ! Est-ce que tu le lui as dit quand elle t’attendait sur le balcon ? Et tu attends des nouvelles ? Quelles nouvelles ? Lis la gazette !… Va à la mairie !… Tu pourras les lire, les publications !… Et pourquoi ne se marierait-elle pas avec un prince, dis ?… Est-ce que tu le vaux, le prince, toi ?… Tu n’es même pas capable de dire : Toinetta, je t’aime !… À ton âge ! Alors elle croit que tu ne l’aimes pas ! Le prince, lui, il ne t’a pas attendu pour lui dire, va !…

Comme il en était là de ses lamentations, le timbre de la porte d’entrée se fit entendre et la mère Bibi entra dans sa boutique.

Elle avait les yeux rouges.

— Titin, lui dit-elle, tu as besoin de te mettre en noir, il faut être brave, mon petit, ta mère est morte !

Et elle s’assit, cassée, un peu par la route et aussi, semblait-il, par le chagrin.

Elle était encore solide, la bonne vieille, malgré son grand âge, un peu courbée, un peu desséchée, mais œil clair et la voix jeunette. Ce n’étaient point les malheurs qui lui avaient manqué, au cours de sa longue vie mais Titin l’avait consolée de tout.

Au bout d’un instant, il finit par lui dire :

— Tu as pleuré, mère Bibi, mais ça vaut peut-être mieux qu’elle soit morte !

Titin ne se connaissait pas d’autre mère que