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Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/156

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est allé à Marseille, où il a ouvert un grand bazar sur les allées de Meilhan… Peut-être là vous renseignera-t-on…

— Merci, monsieur Durando.

Le lendemain, à onze heures, Titin, qui venait de débarquer à la gare de Marseille, se trouvait devant le grand bazar des allées de Meilhan. Il ne pouvait s’y tromper. On y vendait « les pipes Menica ». Le commerce semblait des plus prospères.

— « Fan d’un amuletta ! » se dit Titin, mon père, ça n’est pas « de la rafataille » ; on va pouvoir causer !…

Nous avons dit qu’en quittant la Fourca-Nova, Titin ne pensait plus à Toinetta… Mais la nuit dernière, il en avait rêvé, et, maintenant, s’il pensait à sa vengeance, il commençait à la faire marcher de pair avec son amour. Ces deux sentiments, au lieu de se combattre dans son esprit, tendaient au contraire à s’amalgamer d’une façon encore fort confuse sans qu’il osât y arrêter trop sa pensée.

La veille, c’était du sang qu’il lui fallait, dût-il sacrifier sa peau ; maintenant, la silhouette d’un Titin bien vivant, richement doté et jouissant d’un état civil avouable, d’un Titin enfin qui pourrait honorablement aspirer à la main de Mlle Agagnosc, commençait à prendre forme.

Disons tout de suite qu’il n’en était pas plus fier pour cela ! Mais est-on le maître de sa pensée quand le diable et l’amour s’en mêlent ?

Tout à coup, la pensée de sa mère que l’on descendait dans le moment même au fond de quelque trou aux environs de Saint-Pons, le rejeta dans l’horreur de lui-même.