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Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/228

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Fourca dont on devait se souvenir longtemps et qui précéda, hélas ! de si près, « les heures rouges »…

Enfin Titin était dans cet état d’esprit où les tâches les plus surprenantes vous apparaissent comme des jeux d’enfants.

Lui, qui n’avait encore peint que des enseignes et des paysages naïvement cubistes sur les murs de l’épicerie de la mère Bibi, avait entrepris un grand ouvrage qui déjà faisait l’admiration de tous ses sujets car, en vérité, nous ne trouvons point d’autre mot pour donner une idée approximative des liens qui unissaient à Titin toute une population volontairement asservie à tous ses caprices.

Donc, il avait entrepris un grand ouvrage.

Il peignait à fresque la salle des mariages, à la mairie de la Fourca. C’était, sur les murs, un immense festin. Dans un décor de fleurs, jeunes gens et jeunes filles de la contrée dansaient avec une grâce victorieuse qui ne manquait point cependant de modestie dans sa naïveté artistique. Sur le mur d’en face, il y avait ripaille présidée à l’ombre des châtaigniers par ce petou de maire de la Fourca que Titin avait dessiné à gros traits d’une brutale malice.

Dans un cartouche, derrière le pupitre où l’on mettait le registre au moment de la cérémonie, on lisait ces lettres tracées en singulières majuscules entortillées comme cheveux d’ange : Les Noces du Bastardon… et il y avait là tout un grand carré dans lequel s’inscrivait la silhouette de Titin que l’on reconnaissait déjà et une autre silhouette à peine esquissée qui était celle de la mariée avec son