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Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/313

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pia, que d’accablement devant la fatalité qui avait voulu cet outrage à la cité.

Des amis de Titin se détournaient pour pleurer devant ce cortège qui avait tout du convoi funéraire. À commencer par Toinetta qui, en dépit de ses voiles blancs, faisait plutôt figure de veuve que de nouvelle épousée.

Veuve de tous ses espoirs, la malheureuse l’était ! Seulement, on ne la plaignait point… On ne plaignait que Titin, qui n’était pas là.

Le lendemain de ce jour néfaste, quand les magasins de la « Bella Nissa » rouvrirent leurs portes, on découvrit que la plupart des objets disparus, mobiliers et autres, telle par exemple la fameuse chambre Louis XVI, tapis, fanfreluches et tous assortiments carnavalesques avaient retrouvé leur place d’autrefois, comme par enchantement.

Dans le hall-vestibule, la grande bannière était revenue, elle aussi, mais cette fois on y lisait cette inscription funèbre : « Hardigras est mort ! »

Il n’en fallut point davantage pour que le bruit se répandît aussitôt que Titin s’était « péri » de désespoir. La sinistre nouvelle s’abattit sur la ville qui fut parcourue comme d’un frisson glacé. Chacun s’abordait en se parlant à voix basse, comme si un même deuil avait frappé d’un coup l’immense famille niçoise. Beaucoup, ce jour, n’eurent point le courage de continuer à vaquer à leurs affaires, fermèrent boutique et se répandirent dans les cafés où, pour se donner du courage, ils burent jusqu’à une heure assez avancée dans l’unique espoir de voir apparaître Titin, ce qui