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Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/349

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XXII

La Fourca sous la terreur

La malheureuse était en longue chemise qui l’enveloppait déjà comme un suaire.

— Mais décrochez-la ! décrochez-la ! criaient vingt voix.

Cependant personne n’osait avancer.

— Quand j’ai découvert cet horrible crime, la pauvre enfant était déjà froide ! Mon premier mouvement a été naturellement de la dépendre, expliquait Hippothadée au maire qui ne l’entendait même pas, tant les malheurs successifs qui accablaient sa petite cité semblaient l’avoir annihilé. Mais j’ai senti que je n’avais plus qu’un cadavre dans les bras, et j’ai couru vous chercher.

Tout le monde le regardait. Il faisait peine à voir, si peu habillé, sans gilet, ayant passé rapidement un pantalon et un veston sur sa chemise ouverte, laissant voir son long cou de vautour qui supportait une tête aiguë, osseuse, aux cheveux en désordre, au nez farouche, aux lèvres tremblantes, aux yeux rouges sanguinolents. Tout ce qui faisait le chic du prince Hippothadée, son profil de médaille, sa ligne un peu sèche, tout cela avait disparu pour faire place à cet oiseau de mauvais augure, ravagé, déplumé par l’orage.