Aller au contenu

Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est-à-dire qu’ils étaient toujours soupçonneux, sournois, taciturnes, voyant le monde en laid. Quand on leur abandonnait quelque gros gibier, ils se lançaient sur sa piste avec une muette frénésie qui n’était apaisée que lorsqu’ils le rapportaient tout pantelant, les poignets brisés par les menottes.

D’une bravoure du reste à toute épreuve, ils portaient maintes cicatrices…

Ce qui les distinguait, c’est que M. Ordinal parlait quelquefois ; M. Souques jamais. Il écrivait. Et il n’admettait d’ordre que par écrit. C’était un système.

M. Souques avait le plus grand mépris pour M. Ordinal, et M. Ordinal détestait M. Souques.

Ils s’en voulaient de ce que chacun volait à l’autre dans leur chasse à l’homme.

Cependant l’aventure commune de la nuit précédente les avait rapprochés dans une rage mutuelle contre Hardigras.

Hardigras leur avait peut-être sauvé la vie. Ils ne lui pardonnaient pas. Ils lui en voulaient d’avoir abîmé deux « pièces » qui leur appartenaient : les deux rats d’hôtel.

Bref, ils étaient dans un état d’esprit trop près de celui de M. Hyacinthe Supia pour que tous trois ne s’entendissent pas bientôt.

Quand à M. Bezaudin, il souriait plus que jamais. Il se voyait débarrassé de deux hôtes dangereux, c’était le principal. Et ses premiers mots ne laissèrent aucun doute sur la reconnaissance qu’il en avait à Hardigras.

– Eh bien ! fit-il, dès que l’on eut introduit le patron de la « Bella Nissa », votre Hardi-