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Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/391

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prisons choisis parmi les plus sûrs se relayaient auprès de lui, deux par deux.

Tous ces détails furent connus en ville et, de l’avis général, Titin n’avait plus qu’à se préparer à bien mourir.

En attendant, il signa son pourvoi en cassation.

Dans les premiers jours, il se montra assez maussade. On le trouva accablé. Il n’adressait guère la parole à ses gardiens, refusait de jouer aux cartes et n’avait goût pour aucune nourriture.

Replié sur lui-même, face à des idées qui l’avaient plus d’une fois importuné, mais qu’il avait toujours repoussées comme indignes et déshonorantes, Titin souffrait dans ses sentiments les plus nobles, car y a-t-il au monde quelque chose de plus noble que l’amitié ? Or, après avoir fait le tour pour la centième fois de tous ses malheurs, il était obligé, quoi qu’il en eût, de revenir à ceci qui le perçait comme une flèche : toute sa misère ne pouvait s’expliquer que par la trahison de quelqu’un qui connût tous ses secrets, par la traîtrise d’un être dont il n’avait point voulu, de parti pris, se méfier, car le crime eût été trop grand.

Hélas ! à cette question, qu’il n’avait pas voulu se poser et qui s’imposait à lui maintenant : « Es-tu sûr de Giaousé ? » Titin était obligé de répondre : Non.

Il en pleurait : Giaousé, c’était sa faiblesse, son enfance vagabonde, ses joies de jeune homme, les bonnes parties et les bonnes farces de Carnaval. Enfin, Giaousé, c’était tout ce qu’il avait voulu qu’il fût : son petit ami, son petit esclave, et aussi, hélas ! son souffre-douleur !