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Page:Leroux - Mister Flow.djvu/149

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des deux individus qui me crachaient dans le cou, le soir de mon arrivée au « Privé ». Or, si Abraham Moritz était bien bijoutier, M. Jacob, lui, ne l’était pas. C’était le fameux antiquaire de Rouen. Helena devait me raconter comment il avait fondé sa fortune en vendant quinze cent mille francs à M. William Knox, de New-York, une collection de « Boucher » dont pas un ne méritait le prix de la toile. Knox n’avait voulu rien dire, de peur de porter un préjudice irrémédiable à toute sa galerie et, aussi, de passer pour un sot. Voyant que le faux lui réussissait si bien, Jacob résolut de continuer dans la partie, mais, cette fois, dans le meuble, car, pour les faux en peinture, il était brûlé auprès des experts. Il vint s’établir à Rouen, au cœur de la Normandie. Il ramassa ce qu’il put trouver d’authentique, au plus juste prix, et dépeça tous ces meubles. Avec une planche de l’un, une porte de l’autre, une serrure de celui-ci, un pied de celui-là, il refit tous les mobiliers qu’il lui fallait pour faire marcher ses affaires. Il y a des ouvriers incomparables dans le genre. Les plus malins y sont trompés. Jacob faisait travailler ses artistes en secret, dans un coin retiré de la vieille ville de Bayeux. Quand l’objet était prêt et suffisamment vermoulu, il était expédié dans son hôtel du cours Boieldieu où, pendant la bonne saison, les étrangers qui fréquentaient nos plages étaient invités à venir admirer ces purs joyaux qui avaient, naturellement, tous leur histoire se rattachant, pour une petite partie, à l’histoire de France.

Avec tous ces dollars et toutes ces livres, Jacob