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Page:Leroux - Mister Flow.djvu/19

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ne peux plus me passer de lui !… il m’a été envoyé par la providence dont il est, en ce moment, le plus utile accessoire. Je trouve un autre Durin. Il ne pleure plus. Je ne le reconnais plus. Il a l’air intelligent. Il me prie de m’asseoir. Que dis-je ? il m’ordonne de prendre place devant lui. Et c’est moi qui ai l’air de recevoir mon avocat dans sa prison. Il met au net ma petite affaire : ça n’est pas long. « Monsieur, j’ai eu tort de ne pas vous parler d’honoraires tout de suite. Vous seriez venu plus tôt à mon appel. » J’interromps, très intimidé : « Je suis désigné d’office. Il ne saurait être question d’honoraires ».

— Tu blagues, Charles ! Mettons qu’il ne soit question que de ma reconnaissance pour le petit service que je vais vous demander.

— De quoi s’agit-il donc, monsieur ?

— J’ai lu dans vos yeux que vous vous ennuyiez à Paris et que vous ne seriez pas autrement fâché d’aller faire un petit tour à Deauville !

Je sursaute. Il sourit. Il ne sait pas combien il tombe juste. C’en est accablant. Il regarde mes chaussures et il cesse de sourire. Le voilà attendri de pitié. Connaissant sa facilité pour les larmes, je coupe court, rouge jusqu’aux oreilles :

— Monsieur, j’adore Paris, l’été !

Il hausse les épaules :

— Alors, ne parlons plus de rien.

Je sue à grosses gouttes. Je sens que j’ai perdu tout droit à sa reconnaissance, je sens aussi que si la conversation ne s’arrête pas là elle va aller très loin.