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Page:Leroux - Mister Flow.djvu/83

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J’avais les poings fermés ! J’aurais voulu qu’elle les sentît sur son visage.

Ne sachant plus ce que je faisais, je lui criai d’arrêter. Nous étions en pleins champs. Elle s’arrêta, je me levai en lui jetant une injure. Elle me rattrapa de son bras autour du cou.

— Oh ! le petit chéri ! il est jaloux de Durin ! il est jaloux de Lawrence ! Mais, puisque vous savez que c’est le même ! qu’est-ce que cela peut faire à vous, je demande ?… Rudy !… Méchant Rudy !… vous seul, j’aime ! Yes, I love you, you alone !

Et, cette fois, un baiser qui me fait retomber pantelant dans la voiture. Nous avons repris notre route. Je ne dis plus un mot, elle non plus… Je regarde ses petits pieds sur les pédales. Est-il au monde quelque chose de plus joli que deux adorables souliers de femme, découvrant un pied où transparaît la chair sous le bas de soie fin, commandant d’un mouvement léger à ce monstre de fer, à ce dévorateur d’espace qu’est le moteur d’une auto de grand luxe !… Moi aussi je suis sous ces pieds-là et ils peuvent me faire courir loin et longtemps… d’autant qu’au-dessus du pied il y a la jambe ! Et quelles jambes, sous le bout de jupe étroite, enserrant les genoux… C’en est fait de moi ! Je suis un jouet pour cette femme… Le jouet d’une heure de ces petits pieds-là. Que deviendrai-je quand ils s’en iront ailleurs ? Je deviens bête à pleurer. Ma parole, mes prunelles s’obscurcissent quand je pense à la toute petite chose que je suis… Ah ! je finis par comprendre