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Page:Leroux - Rouletabille chez Krupp, 1944.djvu/55

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TANGO

— Ah ! vous êtes au courant…

— Je sais que c’est un garçon qui a de belles fréquentations, n’est-ce pas, madame ?

— Tu parles !… Le professeur Vladimir n’est pas le premier venu ! Il ne donne point ses leçons à tout le monde ! Dans « la haute » on en raffole ! Ah ! la guerre lui a fait bien du mal ! Mais ce n’est pas un « ballot », et il s’en tire tout de même ! Il faut bien !

— Madame, j’ai justement une affaire magnifique à proposer à Vladimir Féodorovitch et je vous serais fort reconnaissant si vous pouviez me donner son adresse !

— Son adresse ? Eh ! Monsieur ! c’est ici, son adresse, et dans tous les bars chics du quartier ! c’est là qu’il se fait envoyer sa correspondance… »

Rouletabille jeta les yeux sur des lettres qu’elle lui montrait. Leur timbre indiquait qu’elles étaient là depuis plusieurs jours. Impatiente, il demanda à brûle-pourpoint :

« Où danse Vladimir, ce soir ?

— Eh ! mon petit, vous savez bien que les boites de tango sont fermées depuis la guerre !

— Je le sais ! mais je n’ignore pas non plus qu’il y en a de clandestines qui se sont ouvertes. Parlez ! vous pouvez avoir confiance, et puis, je vous le dis, c’est dans l’intérêt de Vladimir !… une affaire énorme ! Où danse-t-il ?

— Où qu’il danse, on ne vous laissera point entrer avec votre capote de poilu !

— Ne vous occupez pas de ça, dites vite !…

— Eh bien ! vous trouverez Vladimir, à partir de dix heures, dans un petit hôtel de la rue de Balzac dont je ne me rappelle pas le numéro, mais que vous reconnaîtrez facilement a la quantité d’automobiles qui y amènent les amateurs. Tenez ! c’est l’ancien hôtel du peintre Chéron ! y êtes-vous ?

— J’y suis ! répondit Rouletabille en se levant. Au revoir et merci ! »

Une heure plus tard, il se trouvait devant l’hôtel dési-