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Page:Leroux - Rouletabille chez Krupp, 1944.djvu/62

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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

— Je suis sûr, continua Rouletabille, que vous découvrirez peut-être que vous êtes Turc ! tout simplement… d’autant plus que vous parlez le turc comme votre langue maternelle…

— Pourquoi Turc ?… La Turquie est en guerre !… Ce serait encore bien des ennuis de ce côté-là !…

— On n’a point d’ennuis de ce côté-là, quand on a de l’argent, répliqua Rouletabille, car vous savez bien qu’avec de l’argent, on n’est point soldat en Turquie…

— Oui, fit Vladimir, mais moi, je n’ai pas d’argent !

— Si ce n’est que cela, je vous en prêterai ! reprit le reporter.

— Vous m’aimez donc un peu, Rouletabille ? demanda avec hésitation le Slave… et… et… vous êtes donc riche ?

— J’ai, en vérité, beaucoup d’affection pour vous, Vladimir, et je vous le prouve en continuant de vous fréquenter en dépit de vos défauts, qui sont énormes !… En ce qui concerne la question argent, je puis vous dire que je suis plus qu’à mon aise et que vous aurez tout l’argent qu’il vous faudra !…

— Pourquoi faire ? demanda Vladimir de plus en plus étonné.

— Mais pour passer en Turquie !… Ne m’avez-vous pas dit que vous alliez vous faire Turc et passer en Turquie avec votre princesse Botosani qui connaît si intimement Enver Pacha !

— Ah ! vraiment, je vous ai dit cela !… »

Le Slave fixait le reporter de ses yeux brillants d’intelligence. Tout à coup, il se leva, lui mit la main sur l’épaule et lui dit :

« Allons fumer une cigarette dans le jardin ! »

Il y avait, derrière le petit hôtel, un grand jardin qui, sous la clarté de la lune qui venait de se lever, se montrait absolument désert. Les deux jeunes gens s’enfoncèrent sous la charmille.

« Turc et l’ami d’Enver Pacha ! surenchérit Rouletabille. Mais, mon cher, c’est la fortune !… Enver est un