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Page:Leroux - Rouletabille chez Krupp, 1944.djvu/74

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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

boyau « international », car il appartenait en partie aux Français et en partie aux Boches.

Vers son milieu, on avait jeté quelques sacs de terre derrière lesquels, à quelques pas l’un de l’autre, veillaient les sentinelles. La sentinelle boche et la sentinelle française causaient quelquefois entre elles. Rouletabille parlait maintenant couramment l’allemand qu’il avait appris depuis son mariage, Ivana étant à peu prés polyglotte.

Le reporter avait fait entendre au soldat boche qu’il y avait, pour eux, une façon assez simple et très intéressante de mettre fin aux dangers de la guerre ; ils n’avaient qu’à se constituer prisonniers, lui, des Boches, l’autre des Français. Franchissant les sacs, ils se croiseraient en route, et s’avanceraient en criant : « Kamerad !… »

La sentinelle boche avait acquiescé avec enthousiasme. Et Rouletabille avait commence d’exécuter le programme accepté par les deux parties. Mais il n’avait pas plus tôt dépassé la sentinelle que celle-ci, revenant sur ses pas, lui lançait une grenade.

Le reporter fut renversé et blessé à l’épaule. Fait prisonnier, il avait été évacué sur le camp de Rastadt ou il était resté quinze jours.

La blessure n’était pas grave. Mais ce qui était le plus grave, c’était le temps perdu… Quand il fut guéri ou à peu près, son anxiété ne fit que croître car, en dépit de tous les renseignements qui lui avaient été fournis, le fameux truc des machines à coudre ne semblait pas, du tout, devoir réussir.

On ne lui faisait, du reste, aucune offre de travail.

Huit jours s’étant encore écoulés de la sorte, le reporter avait commencé d’imaginer un tout autre plan, qui consistait à s’évader de Rastadt et à se rapprocher d’Essen par étapes de nuit… mais alors quelle différence de travail entre ce qui lui restait à faire et ce qu’il avait pu espérer si les Boches eux-mêmes, l’avaient introduit dans la place !…