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Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/28

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— Mais enfin, expliquez-vous ! éclata le juge… M. de Santierne a raison… expliquez-vous !… expliquez-vous !…

— Des explications, répondit le reporter… il faut en demander à l’homme que voilà !… À moi, mes amis !… à moi !…

Et il se mit à bondir du côté de la porte mitoyenne. Derrière lui, tous coururent et pénétrèrent dans le jardin d’Hubert… Ils arrivèrent pour voir Rouletabille rejoindre brutalement Lauriac dans le moment que celui-ci, fait comme un voleur, les vêtements en désordre, sans col et sans cravate, pénétrait subrepticement chez lui en sautant le mur à cet endroit que Rouletabille, quelques instants auparavant, avait sauté lui-même pour suivre la piste qui aboutissait au petit chemin creux derrière le bastidon.

Jean qui arrivait le premier derrière Rouletabille put entendre celui-ci dire d’une voix sourde à Hubert :

— On vient d’assassiner M. de Lavardens ! Vous n’avez qu’une façon de vous sauver de là, c’est de dire toute la vérité !

En même temps, le reporter fut le premier à lui mettre la main au collet. Jean se précipita ensuite et, malgré Rouletabille, prenait Hubert à la gorge. Les gendarmes accourus eurent peine à le séparer de sa proie.

Il lui crachait dans la figure :

— Misérable ! où est Odette ?… Qu’as-tu fait d’Odette ?… Où l’as-tu cachée ?…

Mais les magistrats faisaient écarter tout le monde et se disposaient à procéder à un premier interrogatoire… Rouletabille essayait encore de calmer Jean qui, après ce premier contact avec son ennemi, pleurait amèrement dans une détente passagère.

— Pourquoi, disait-il au reporter, le fais-tu arrêter ? Pourquoi l’arrêtes-tu toi-même si tu le crois innocent ?…

— Pour qu’il se justifie ! répondit Rouletabille.

Le juge était déjà aux prises avec Hubert.

— Pour que vous soyez revenu ici, monsieur, dans cet état, alors que vous étiez en droit de redouter que le cadavre de M. de Lavardens ne fût déjà découvert, il faut que vous ayez été poussé par de bien puissantes raisons… Je ne vous les demande pas… Nous les connaissons déjà… Ce sont les preuves de votre crime que, dans un premier égarement, vous aviez laissées derrière vous et que vous reveniez chercher ; ce fouet qui appartient à M. de Lavardens et cette lettre adressée à Mlle Odette !… Nous avons aussi l’écharpe de Mlle Odette… Tout cela a été trouvé chez vous, monsieur, avec d’autres preuves de votre crime… Avouez !… la passion vous avait rendu fou, n’est-ce pas ?…

Le prisonnier, qui montrait alors une tête effrayante de bête réduite aux abois, balbutia ces quelques mots :

— On a enlevé Odette ?…

— Vous n’en savez rien ?… releva le juge en haussant les épaules… Vous ne saviez peut-être pas non plus que M. de Lavardens avait été assassiné ?…

— C’est monsieur qui me l’a appris !… râla Hubert en désignant d’un mouvement de tête Rouletabille qui le dévorait du regard…

— Enfin, vous niez tout !…

— Ah ! oui alors, je nie tout ! s’écria-t-il, littéralement écumant…

— Qu’on le confronte avec le cadavre de sa victime ! commanda le juge…

— Monsieur le juge ! monsieur le juge ! s’écria Jean… je vous en supplie… occu-