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SUR MON CHEMIN

enfin, nous fumes stupéfaits de cette impassibilité des gens et des choses.

Je voulus savoir. Je me munis d’un interprète et je descendis dans les boutiques des commerçants. Mais j’interrogeai d’abord les groupes de moujiks.

J’en vis de très pauvres et de très beaux en leurs vêtements sordides. Ils avaient des têtes de Christ qu’auréolaient des boucles de cheveux blonds. Leurs yeux étaient bleus et doux. Ils étaient d’une saleté répugnante. C’étaient des ouvriers.

Je les interroge par l’intermédiaire de mon interprète. Je leur demande s’ils vont bien fêter les Français, s’ils sont contents de la visite du président de la République.

— Les Français aiment bien l’empereur, finissent-ils par répondre à l’interprète : nous aimons bien les Français.

— Allons-nous en, fait l’interprète : ils vous croient de la police.

J’interrogeai des marchands ambulants, j’interrogeai des cochers, j’arrêtai des gens dans les rues et je déclinai ma nationalité. Tous me tendaient les mains, manifestaient de la joie, criaient : « Vive la France ! » C’était touchant. Mais je n’étais pas convaincu : peut-être me croyaient-ils tous de la police, accomplissant une besogne de répétition générale pour l’enthousiasme du lendemain et sondant les dispositions du populaire.

Je franchis quelques degrés de l’échelle sociale