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Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/188

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SUR MON CHEMIN

l’on n’est point toujours innocent parce que l’on nie, et qu’il serait aussi imprudent de rendre à la vie publique un misérable accusé d’un crime aussi grand — car, après tout, il peut l’avoir accompli — que désastreux de faire tomber sa tête, si réellement il n’a rien fait.

Il faut vraiment que la négation soit souveraine, et je n’en soupçonnais guère la puissance absolue jusqu’au verdict Sautton, qui a été rendu à huit heures et demie, avant dîner. Les verdicts d’avant dîner, en effet, sont généralement terribles, pour peu que l’audience se soit prolongée. Les magistrats le savent bien, et l’avocat général en fait son profit. Pour peu que le jury fléchisse, on lui rend toute sa rigueur avec une bonne réplique du ministère public, ce qui nécessite une nouvelle plaidoirie du défenseur. Et toute l’éloquence de Me Un Tel n’empêchera point que la soupe refroidisse. Un appétit exaspéré, la perspective d’une mauvaise digestion, la fatigue emplissent d’une méchante humeur invincible l’être le plus clément du monde, et, pour peu que l’accusé ait oublié de nier, celui-ci aura le maximum.

L’honnêteté du juré, son « âme et conscience » sont victimes de tous ces « à côté » de la justice qu’on oublie trop quand les dénonciateurs publics se répandent en malédictions sur cette grande institution nationale.

Plus que les magistrats, ils ont à se défendre contre les « trucs » nombreux de l’accusation et