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Page:Leroux - Une histoire épouvantable, paru dans l'Excelsior du 29 janvier au 3 février 1911.djvu/25

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» — Nous n’attendons plus que le docteur ! fit entendre la maîtresse de maison qui, de temps à autre, me regardait avec une tristesse évidente, et qui vite se reprenait à sourire à ses invités.

» Le docteur arriva.

» Celui-là était encore un cul-de-jatte, mais il avait conservé ses deux bras.

» Il en offrit un à Mme Gérard pour passer dans la salle à manger… Je veux dire que celle-ci lui prit le bout des doigts.

» Le service était dressé dans cette salle dont les volets étaient bien clos. De grands candélabres éclairaient une table qui était couverte de fleurs et de hors-d’œuvre. Pas un fruit. Les douze culs-de-jatte sautèrent aussitôt sur leurs chaises et commencèrent à « pignocher » gloutonnement, de leurs crochets, dans les raviers. Ah ! ils n’étaient point beaux à voir, et je fus même tout à fait étonné de constater combien ces hommes-troncs, qui paraissaient tout à l’heure si bien élevés, dévoraient avec voracité.

» Et puis, subitement, ils se calmèrent ; les crochets restèrent en place et il me parut qu’il s’établissait chez les convives ce qu’on qualifie à l’ordinaire de « silence pénible ».