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Page:Leroux - Une histoire épouvantable, paru dans l'Excelsior du 29 janvier au 3 février 1911.djvu/3

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avaient connu mille aventures ; et, maintenant qu’ils étaient à la retraite, passaient leur temps à se raconter des histoires épouvantables !

Seul, le capitaine Michel ne racontait jamais rien. Et comme il ne paraissait nullement étonné de ce qu’il entendait, cette attitude finit par exaspérer les autres, qui lui dirent :

— Ah ! çà ! capitaine Michel, il ne vous est donc jamais arrivé d’histoires épouvantables !

— Si, répondit le capitaine, en ôtant, pour la première fois, devant moi, sa pipe de la bouche, si, il m’en est arrivé une… une seule !

— Eh bien ! racontez-la.

— Non !

— Pourquoi ?

— Parce qu’elle est trop épouvantable. Vous ne pourriez pas l’entendre. J’ai essayé plusieurs fois de la raconter, mais tout le monde s’en allait avant la fin.

Les quatre autres vieux loups de mer s’esclaffèrent à qui mieux mieux et déclarèrent que le capitaine Michel cherchait un prétexte pour ne rien leur raconter parce qu’au fond il ne lui était rien arrivé du tout.

L’autre les regarda un instant, puis, se décidant tout à coup, posa sa pipe sur la table. Ce geste rare était déjà, par lui-même, effrayant.

— Messieurs, commença-t-il, je vais vous raconter comment j’ai perdu mon bras.