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Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/109

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paie sur ses produits, le cultivateur européen les acquitte souvent sur ses engrais. Quelle est alors la part qui reste de cette rente naturelle de la terre provenant du privilège de situation ? Elle est minime.

En résumé, des deux principales causes que Ricardo assigne à la rente du sol, à savoir le privilège de fertilité naturelle et le privilège de situation, la première peut être considérée comme n’existant guère puisqu’il y a à foison dans toutes les contrées du monde des terres vacantes aussi fertiles que les plus fertiles de l’Europe ; la seconde cause, le privilège de situation, va sans cesse en diminuant, au fur et à mesure des progrès des voies ou des moyens de transport et qui oserait dire que nous sommes au bout de ces progrès ? La vraisemblance est, au contraire, que d’ici à cinquante ans les prix de transport soit par mer, soit par terre, auront baissé, si ce n’est de moitié, du moins d’un tiers.

Une supériorité reste, sans doute, à l’agriculteur européen, laquelle ne tient pas au sol même c’est qu’il peut, mieux que ses rivaux éloignés. S’adonner aux productions accessoires et raffinées de l’agriculture. La concentration de la population, les connaissances horticoles plus répandues, les habitudes mêmes des ouvriers des champs lui donnent à ce point de vue des avantages qui ne sont pas sans prix. Ainsi la vigne, le mûrier, jadis la garance, la betterave, le colza, les plantes industrielles ont été le triomphe de l’agriculture des pays les plus avancés d’Europe ; il en est de même encore pour le jardinage, la culture potagère, pour la basse-cour, la laiterie, etc. Mais dans ce domaine aussi à quels périls le cultivateur européen n’est-il pas exposé ? Écoutons un écrivain agricole : « La vigne est atteinte par le phylloxera dont les ravages s’étendent tous les jours ; l’inondation du sol, le sulfure de carbone et le cépage américain ne sont que des palliatifs insuffisants.

« La racine de garance fournissait une précieuse teinture rouge qui ne peut lutter contre une matière tirée du goudron de houille appelée alizarine.