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Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/188

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pas bien grand. Ces vastes domaines prendraient vraisemblablement la place non pas des très petits, ni des moyens, mais de ce qui survit encore de la grande propriété d’autrefois, de ces biens de 500 ou 1,000 hectares, valant 1 ou 2 millions qui ont tant de peine à se vendre. Comme les propriétaires de ces terres énormes rendent fort peu de services, il ne sera pas mauvais qu’ils soient remplacés par des sociétés anonymes plus instruites et faisant un meilleur usage de leurs capitaux.

La moyenne et la petite propriété resteront prédominantes et le deviendront même encore davantage. Ce ne sera pas pour notre agriculture une cause irrémédiable d’infériorité au contraire, c’en sera une de supériorité pour tous les produits fins dont l’importance grandit toujours. L’égalité des conditions tendra de plus en plus à s’établir dans les campagnes. La rente de la terre ne croîtra plus spontanément, régulièrement, comme on l’a vu pendant longtemps sur bien des points elle

diminuera, au contraire ce sera un bien, non un mal. Chaque défrichement nouveau dans l’ouest des États-Unis ou du Canada, dans les profondeurs de la Plata ou du Brésil, de l’Australie ou de la Nouvelle-Guinée, chaque progrès de la navigation, chaque baisse du prix du fret, chaque réduction des tarifs de chemins de fer, chaque ouverture de vieilles contrées comme le Soudan ou les bords du Congo à la civilisation, chaque découverte d’un nouveau passage comme celui de Nordenjolsk vers la Sibérie, chacune de ces circonstances heureuses, qui attestent le génie et l’activité de l’homme, supprime le privilège de situation des anciennes terres cultivées, des propriétés du vieux monde or, comme ces propriétés n’ont aucun privilège de fertilité naturelle, la rente de la terre disparaît ou du moins se réduit. Elle tend de plus en plus à ne représenter que l’intérêt des dépenses faites pour mettre le sol en culture, pour créer le domaine. C’est justice. Les gros propriétaires souffriront, il est vrai, de cet état de choses ; non pas les petits qui consomment leur récolte en nature. Les salaires ne seront pas atteints ou ne le seront que peu par la baisse du blé, de la