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Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/340

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inconvénients de ce nouveau régime, la Société anonyme, qui après s’être bornée aux entreprises de premier ordre, envahit maintenant celles de la plus mince importance ?

Les associations commerciales ne sont pas un phénomène d’apparition absolument récente ; ce qui est récent, c’est la vulgarisation de cette forme de groupement des capitaux et de direction des entreprises. Les sociétés en nom collectif, les sociétés de simple participation, ont toujours existé. Les associations en commandite ou les sociétés anonymes sont plus nouvelles elles ont, cependant, les unes et les autres un long et glorieux passé, imposant par l’éclat des succès et par l’importance des désastres. C’est d’abord au commerce de banque qu’elles s’appliquèrent : l’Italie semble être leur berceau. Le Banco di Venezia en 1171, le Monte di Firenze en 1336, le Banco di San Giorgio à Gênes en 1346, sont les plus célèbres anciennes créations de ce genre. La ligue hanséatique, vers la fin du moyen âge, est une des applications de l’association commerciale, devenant presque une association politique.

Au début des temps modernes, après les grandes découvertes, on voit surgir de vastes sociétés anonymes privilégiées : les célèbres compagnies des Indes, entre autres. Ces associations ont été l’objet de nombreuses attaques ; on s’est plu à ne les considérer que comme des monopoles abusifs et inintelligents ; il semble aujourd’hui que les critiques qu’on leur adresse aient été parfois excessives. Stuart Mill, qui dans son enfance avait travaillé dans les bureaux de la Compagnie anglaise des Indes orientales, de la Grande Dame de Londres comme on disait, a pris la défense des règles et des traditions de cette célèbre société ; il les cite comme un modèle et va jusqu’à trouver que les principes et les procédés d’administration de la Compagnie étaient empreints de plus de sagesse et d’habileté que ceux du gouvernement actuel des Indes. Il serait superflu d’examiner la justesse de cette opinion ; mais il n’est pas inutile de constater qu’Adam Smith lui-même a été fort injuste pour la Compagnie en la rendant responsable des famines périodiques qui affligeaient le pays qu’elle gouvernait. Jamais, en effet, ces famines