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Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/370

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CHAPITRE XIV

DE L’INFLUENCE DE LA CIVILISATION SUR LA DESTINÉE DES SALARIÉS.


Les six modes différents par lesquels la civilisation peut influer sur la destinée de l’ouvrier.

Des modes de rétribution du travail. — Théorie du contrat de salaire. — Fausseté de la proposition de Stuart Mill que la civilisation a une tendance à diminuer les rapports de salarié et d’employé. — Les critiques dont le salaire est l’objet. — Objection que l’ouvrier ne peut racheter son produit. — Caractères essentiels du salaire en quoi c’est un contrat destiné à une beaucoup plus grande généralité que l’association pure et simple. — Impossibilité de supprimer le salaire.

Utilité du salaire pour les services immatériels qui échappent nécessairement à l’association. — Le salaire est un contrat singulièrement souple et perfectible. — Exemples nombreux de salaires perfectionnés. — La participation aux bénéfices ne supprime pas le salaire. — Toutes les combinaisons de participation ne sont que des stimulants et des condiments : elles tiennent le rôle que jouent dans l’alimentation le sol et les piments qui s’ajoutent à la nourriture substantielle sans pouvoir la suppléer.

L’association elle-même ne supprime pas le salaire démonstration juridique de ce fait. — Pourquoi la direction des entreprises n’appartient pas aux travailleurs manuels. — Travail incessant de sélection qui se fait dans la société.

De la loi qui règle les salaires. — Vanité de l’explication par la loi de l’offre et de la demande. — Du prétendu salaire naturel qui n’est que le salaire minimum. — De l’absurdité de la doctrine du « fonds des salaires ». Toute la théorie du salaire est à refaire.

Le rapport des capitaux à la population est certainement une des causes qui influent sur le taux des salaires : ce n’est pas la seule. — Le simple progrès des connaissances techniques et des méthodes agit exactement dans le même sens que l’accroissement des capitaux ayant une valeur changeable. — Les salaires ont une tendance à suivre la marche ascendante ou descendante de la productivité du travail de l’ouvrier. — Les lois et les mœurs influent singulièrement sur les proportions dans lesquelles le produit se partage entre les ouvriers et les patrons.

Accroissement incessant des capitaux. — Augmentation de la productivité du travail de l’ouvrier dans l’industrie manufacturière. — Les causes qui influent sur la productivité du travail. — Les calculs de Carey. — Lacunes et erreurs qu’ils présentent. — Influence de la civilisation sur la liberté personnelle de l’ouvrier. — Dans le passé, jusqu’à une époque très-récente, le législateur était systématiquement favorable au patron. — Il pesait de tout son poids en faveur des « maîtres » dans les différends entre les maîtres et les ouvriers. — Raisons diverses de cette partialité des législateurs.

Politique relative aux salaires. — Taxe des salaires dans divers pays et à différentes époques. — Cette intervention du législateur n’était jamais ni complètement efficace, ni complètement inefficace. — La pleine liberté du contrat de salaire ne date guère sur le continent européen que de 1860. Interdiction, sous le règne de Louis-Philippe, de la réunion des ouvriers de la maison Leclaire pour expérimenter le système de la participation aux bénéfices. — Les coalitions d’ouvriers. — Erreurs de la plupart des économistes sur l’effet des grèves.

À tout considérer, les grèves ont été plutôt utiles que nuisibles à la classe ouvrière. — Le gain permanent dépasse de beaucoup les pertes passagères.

Les grèves ont surtout contribué à faire améliorer les règlements d’atelier, à réduire la journée excessive de travail, à rendre plus loyal le mode de paiement, enfin à faire respecter l’ouvrier par le patron. — Les pouvoirs publics, qui étaient autrefois partiaux pour le patron, tendent aujourd’hui à devenir partiaux pour l’ouvrier. — Exemples du Conseil municipal de Lyon et de celui de Paris.

Les progrès industriels et commerciaux ont aussi transformé la situation relative des ouvriers et des industriels. — Erreur complète des théories de Turgot, Smith, Say, Stuart Mill sur la force respective des industriels et des ouvriers ; peut-être vraies autrefois, ces doctrines sont complètement fausses aujourd’hui. — L’industriel dépend beaucoup plus aujourd’hui de ses ouvriers que les ouvriers ne dépendent de lui. — Démonstration de cette proposition.