Aller au contenu

Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE XV

DU SISYPHISME ET DU PAUPÉRISME.


Les griefs des économistes du commencement du siècle contre la grande industrie étaient fondés. — En est-il de même des griefs de Stuart Mill, des socialistes de la chaire et des vrais socialistes ? — Définition du sisyphisme.

La force des machines à vapeur existant en France est égale à la force de 30 millions d’hommes. — Ces 30 millions de travailleurs de fer et d’acier ont-ils diminué la fatigue des travailleurs de chair et d’os ?

Le paupérisme, d’après Proudhon, est la loi de l’humanité. — Causes du paupérisme, suivant le même auteur. — Singulière conclusion de Proudhon : les peuples primitifs, assujettis à l’esclavage ou au servage, seraient beaucoup plus heureux que les peuples civilisés. — Idée presque analogue de M. Émile de Laveleye et de M. Le Play. — Erreur de ces opinions : les crises économiques sont beaucoup plus intenses et plus meurtrières chez les peuples primitifs et dans les contrées purement agricoles que dans les nations plus avancées et manufacturières.

Les trois usages que l’homme peut faire de l’accroissement des forces productives accroissement des loisirs ; augmentation de la production, surtout de celle des objets de luxe ; augmentation de la population. — En général, ces trois résultats se combinent, mais dans des proportions diverses suivant les pays. — Raisons pour lesquelles l’accroissement des forces productives de l’humanité n’a pas augmenté, dans une proportion correspondante, les loisirs des hommes. — L’augmentation de la force productive est d’ailleurs, prise dans son ensemble, beaucoup moindre en réalité qu’en apparence. — La force des machines, au point de vue général économique, n’est pas une force nette ; il faut en déduire tous les efforts humains nécessaires, pour créer les machines, les entretenir et les alimenter. — Cette déduction faite et tous les doubles emplois écartés, l’accroissement de la force productive se restreint à des proportions plus modestes.

Les progrès industriels ont, néanmoins, singulièrement amélioré la destinée de l’homme.

Le paupérisme a perdu et perd sans cesse en intensité et en étendue. — Démonstration statistique de cette proposition. — L’indigence est loin d’être le plus grand mal de l’humanité ; elle cause moins de victimes que certaines maladies ou que les souffrances morales. — Proportion des indigents à la population dans divers pays et à différentes époques.

Le paupérisme est beaucoup plus faible en Angleterre qu’on ne le pense ; il y est en décroissance continue depuis trente ans. — Examen du paupérisme en Écosse et en Irlande. — Le nombre des indigents est moindre à Londres qu’à Paris.

Les contrées purement agricoles ont en général beaucoup plus de pauvres que l’Angleterre ou la France.

L’industrie a diminué le paupérisme plutôt qu’elle ne l’a accru.