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Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/571

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d’être désagréable et rebutant. Il ne suffit pas de faire le bien ; il faut savoir le faire : l’État ne sait pas le faire ; il en est empêché par une sorte d’incapacité naturelle qui est sa rigidité et son invincible attachement à la routine.

Beaucoup d’autres projets ont été proposés soit par des publicistes, soit même dernièrement (en 1879) par des membres de notre Chambre des députés. Un de nos honorables représentants s’est avisé de vouloir que la commune soit contrainte de fournir à chacun de ses enfants un pécule, un capital destiné à lui ouvrir une carrière, au moment où il arriverait à la majorité. Rien ne serait plus simple on établirait un impôt spécial, probablement progressif, sur les capitaux ou tes revenus des habitants de la commune, et au moyen de cette sorte de tontine forcée on constituerait à chaque jeune homme et à chaque jeune fille de 21 ans une dot qui pourrait être de 1,000, 2,000, 3 ou 4,000 francs. Avec de pareils enfantillages on croit résoudre ce que l’on est convenu d’appeler la question sociale. Si l’on voulait organiser dans tout le pays une gigantesque bombance, on ne s’y prendrait pas autrement. Le seul argent qui, d’ordinaire, est bien employé est celui que l’on a gagné. Dans les trois quarts des cas, les 1,000, 2,000, 3 ou 4,000 fr. de dot ou de pécule ainsi fournis obligatoirement par chaque commune à chaque jeune homme ou à chaque jeune fille seraient sottement ou inutilement dépensés. D’ailleurs tous ces projets tendent toujours à l’augmentation des impôts. Il y a sept cent mille jeunes gens des deux sexes environ qui arrivent chaque année à l’âge de 20 ans ; pour leur donner à chacun 1,000 francs, il faudrait donc 7 ou 800 millions d’impôts en plus de ceux que nous supportons déjà. Puis, ces 1,000 fr. communiqueraient-ils à ceux qui les recevraient l’esprit d’ordre, d’économie, l’ardeur au travail, supprimeraient-ils toutes les défaillances de caractère ou d’intelligence ? Qui oserait le soutenir ?

Par cette intervention dans la répartition des richesses, l’État atteindrait un résultat opposé à celui qu’il poursuit. Au lieu d’encourager l’épargne, il en détournerait, puisqu’il ferait à ceux qui n’épargnent pas des dons gratuits au lieu de pousser au travail, il mettrait les hommes indolents, ayant quelque pen-