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Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/93

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que le sol tout entier est en culture, l’augmentation de la population, la demande croissante de blé peuvent forcer à employer de plus en plus de capitaux à la culture de la terre pour l’amender et en accroître la force de production. Or, il arrive un moment où les nouveaux capitaux consacrés à la culture sont moins productifs que les anciens. Il y a une limite au delà de laquelle l’addition d’engrais augmente dans une proportion moindre la production du sol que ne l’avaient fait les engrais antérieurement employés. Suivant un célèbre agronome allemand, M. de Thunen, si un demi-pouce d’engrais élève de moitié le rendement en blé, un demi-pouce en plus ne l’élèvera que des trois huitièmes, et encore un demi-pouce que du quart. Peu importe que ces proportions soient aujourd’hui exactes ou qu’elles ne le soient plus si le fait qu’il y a une limite au delà de laquelle toute nouvelle addition d’engrais produit un effet moindre est incontestable[1]. De cette circonstance peut encore résulter la rente de la terre. Quand l’accroissement du nombre des habitants induit ainsi à augmenter considérablement les capitaux consacrés à la culture du sol, il arrive un moment où ces nouveaux capitaux étant moins productifs que les anciens, le prix des subsistances doit hausser pour assurer à ces capitaux nouveaux-venus une rémunération équitable mais de cette hausse même du prix des subsistances il résulte pour les capitaux les plus anciennement consacrés à la culture une source de bénéfices supplémentaires c’est là la seconde cause de la rente de la terre et de son accroissement dans le cours de la civilisation.

Il y en a encore une troisième. L’augmentation de la demande du blé, par suite de l’accroissement de la population, non seulement conduit à mettre en culture des terres de qualité inférieure, mais aussi il fait défricher et cultiver des terres de plus en plus éloignées du marché. Les frais de transport élèvent le prix de revient des céréales produites sur ces terres les plus distantes, et comme toutes les céréales de même qua-

  1. Le célèbre économiste allemand, Roscher, a établi par d’autres exemples la vérité de cette proposition qui est d’ailleurs évidente.