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Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/18

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LES MILLE ET UN JOURS

leur devenait funeste ; car la plupart en perdaient la raison, ou tombaient dans une langueur qui les consumait insensiblement.

Lorsqu’elle sortait du palais pour aller à la chasse, elle n’avait point de voile. Le peuple la suivait en foule, et témoignait par ses acclamations le plaisir qu’il prenait à la voir. Elle montait ordinairement un cheval tartare blanc à taches rousses, et marchait au milieu de cent esclaves magnifiquement vêtues et montées sur des chevaux noirs. Ces esclaves étaient aussi sans voiles ; mais bien qu’elles fussent presque toutes d’une beauté charmante, leur maîtresse s’attirait seule tous les regards. Chacun s’efforçait de s’approcher d’elle, malgré la garde nombreuse qui l’environnait. Vainement les soldats avaient le sabre à la main pour tenir le peuple éloigné ; ils avaient même beau frapper et tuer tous ceux qui s’avançaient trop, il se trouvait toujours des malheureux, qui, loin de craindre un si déplorable sort, semblaient se faire un plaisir de mourir aux yeux de la princesse.

Le roi, touché des malheurs que causaient les charmes de sa fille, résolut de la soustraire aux yeux des hommes. Il lui défendit de sortir du palais ; de manière que le peuple cessa de la voir. Cependant la réputation de sa beauté se répandit dans l’Orient. Plusieurs rois se laissèrent enflammer sur la foi de la renommée ; et bientôt on apprit à Cachemire que des ambassadeurs partis de toutes les cours de l’Asie venaient demander la main de la princesse. Mais, avant qu’ils arrivassent, elle fît un songe qui lui rendit tous les hommes odieux. Elle rêva qu’un cerf étant arrêté dans un piège, une biche l’avait délivré ; et qu’ensuite la biche étant tombée dans le