Aller au contenu

Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/150

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
VINGT-QUATRIÈME AVENTURE.

mêlez donc pas, » répond Renart, « je puis mener l’affaire à bien, et vous me pendrez la hart au cou, si tout à l’heure vous n’avez le bacon. — À la bonne heure donc ! » dit Ysengrin, « je veux bien juger de ce que tu sais faire. »

Il se traîne d’abord avec assez de peine, les coups qu’il avoit reçus lui ôtant son agilité naturelle ; mais à force de longer péniblement le bois dans un sentier couvert, il gagne un peu d’avance sur le vilain, et recourant à l’un de ses tours favoris, il s’étend le long du chemin, comme il eût fait sans doute dans le bois pour se remettre des rudes épreuves que son compère venoit de lui faire subir.

Le vilain en voyant Renart traîner les reins et tomber ainsi dans le chemin, le crut mortellement blessé, et pensa qu’il lui seroit aisé de le prendre. Il avance donc, et sans quitter son fardeau, la main posée sur le bâton qui lui servoit de soutien, il se baisse comme pour lever Renart de terre. Celui-ci fait un petit saut de côté : le vilain ne se décourage pas, il laisse tomber le bâton sur son échine, et Renart dont les douleurs se renouvellent fait un cri et s’éloigne. « Tout cela, » dit le vilain, « ne m’empêchera pas de coudre ta robe à mon manteau. » Mais entre faire et dire, il y a souvent bien à dire.