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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/172

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VINGT-NEUVIÈME AVENTURE.

Ces plaintes répétées le decidèrent à faire une nouvelle tentative. Un étroit sentier couvert le conduisit dans une plaine à l’extrêmité de laquelle étoit un plessis, formant l’enceinte de grands bâtimens. C’étoit une abbaïe de Blancs moines, gens qu’on ne prend guères au dépourvu de bonnes provisions. La grange étoit à la gauche du cloître, et Renart desiroit y faire une pieuse visite ; mais les murs étoient hauts et solides. Quel dommage cependant ! Là sans doute étoit reuni tout ce qu’avoit à désirer un goupil : poules, coqs, chapons et canards. Renart, en regardant sous la porte, appercevoit le gelinier où devoit reposer ce qu’il aimoit le mieux au monde, et ses yeux ne pouvoient s’arracher à cette vue irritante. N’y avoit-il donc là ni fenêtre extérieure, ni trou, ni la moindre lucarne ? Comme il commençoit à désesperer et que, pour mieux suivre le cours de ses tristes pensées, il alloit s’accroupir au bas de la porte, ô bonheur ! une legère pression fait ceder le guichet mal joint et lui offre un passage inattendu. Aussitôt le voilà dans la cour. Mais ce n’est pas tout d’être entré, s’il est apperçu, sa pelisse pourra bien demeurer en gage. Avançant donc avec précaution, il arrive à portée des gelines : un pas de plus, elles sont à lui. Mais si les poules jettent un cri ? Cette reflexion l’arrête et le décide même à