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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/211

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L’INSTRUCTION DU PROCÈS.

éprouvé certaine inquiétude : je décampai au grand galop ; mais comme Renart savoit bien mieux les détours et les retraites, ceux qu’il avoit ameutés me reconnoissant l’abandonnèrent aussitôt, pour me fermer passage. Je le vis alors, le traître, gagner le large : — Eh quoi ! Renart, lui dis-je, pourrez-vous bien me laisser seul dans l’embarras ? — Ma foi, beau sire Brun, répond-il, chacun fait de son mieux ; je me sauve, le besoin fait vielles trotter. Allons ! travaillez à vous tirer de là ; pourquoi n’avez-vous pas un coursier rapide et des éperons trenchans ? C’est votre faute si les vilains viennent à vous mettre dans leur saloir. Entendez-vous leur vacarme ? si votre pelisse est trop chaude, comptez sur eux, ils vous en déchargeront. Pour moi je vais à la cuisine, préparer, à votre intention, la poularde que j’emporte ; mais j’oubliois, damp Brun : à quelle sauce la voulez-vous ? Cela dit, le felon s’esquive et me laisse dans la presse. Vit-on jamais, dites-moi, plus odieux gabeur ?

Cependant le bruit devient affreux, les vilains me cernent, les chiens m’entourent, je sens la dent des uns et la flèche des autres. Je comprends le danger et je me décide à le braver. Je reviens sur les mâtins, je les mords, je les déchire, je les renverse l’un sur l’autre.