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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/235

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SECONDE CLAMEUR D’YSENGRIN.

furent somptueuses ; nos fossés, nos terriers pouvoient à peine contenir les bêtes conviées à la fête ; une oie n’y auroit pas trouvé place pour y pondre son œuf. J’ai, depuis ce tems, vécu en loyale épouse, sans donner à personne le droit de me blâmer ou de me prendre pour une bête folle. Ainsi, que l’on me croie ou non, je n’en attesterai pas moins sainte Marie que jamais je ne fis rien qu’une sage et pieuse nonne ne pût avouer. »

Le discours d’Hersent et la façon naturelle dont elle avoit justifié sa conduite répandirent une joie inexprimable dans la bonne ame de l’âne, damp Bernart. Il en conclut qu’Ysengrin pouvoit bien avoir raison, mais que dame Hersent n’avoit pas tort. « Ah ! » s’écria-t-il, « gentille baronne, plût à Dieu que mon ânesse fut aussi sage, aussi loyale que vous ! Vous ayez adjuré Dieu et les saints de paradis, il suffit : je soutiendrai votre cause et je suis tout prêt à jurer avec vous. Dieu ne me fasse pas miséricorde, qu’il ne me laisse trouver un seul tendre chardon, si vous avez jamais favorisé l’amour et les sollicitations de Renart. Mais telle est la méchanceté, la médisance et l’envie du siècle, qu’il affirme ce qu’il n’a pas vu et blâme ce qu’il devroit honorer. Ah Renart ! maudite l’heure où vous fûtes engendré, où vous êtes venu au monde ! car