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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/33

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RENART ET CHANTECLER.

supposer que moi, je me laisse prendre par une bête cachée dans notre parc ! Vous êtes folle en vérité, et bien fou celui qui s’épouvante d’un rêve. — Il en sera donc, » dit Pinte « ce que Dieu voudra : mais que je n’aie plus la moindre part à vos bonnes grâces, si le songe que vous m’avez raconté demande une autre explication. — Allons, allons, ma toute belle » dit Chantecler en se rengorgeant, « assez de caquet comme cela. » Et de retourner au tas qu’il se plaisoit à gratiller. Peu de temps après, le sommeil lui avoit de nouveau fermé les yeux.

Or Renart n’avoit rien perdu de l’entretien de Chantecler et de Pinte. Il avoit vu avec satisfaction la confiance du coq, et quand il le crut bien rendormi, il fit un mouvement, mit doucement un pas devant l’autre, puis s’élança pour le happer d’un seul bond. Mais si doucement ne put-il avancer que Chantecler ne le devinât, et n’eût le temps de faire un saut et d’éviter l’atteinte, en volant de l’autre côté du fumier. Renart voit avec dépit qu’il a manqué son coup ; et maintenant, le moyen de retenir la proie qui lui échappe ? « Ah ! mon Dieu, Chantecler, » dit-il de sa voix la plus douce, « vous vous éloignez comme si vous aviez peur de votre meilleur ami. De grace, laissez-moi