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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/331

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COMBAT DE RENART ET YSENGRIN.

che les grenons avec ses ongles et lui poche les yeux de son bâton. C’en étoit fait d’Ysengrin : « Compère, » lui dit Renart, « nous allons voir qui de nous deux a droit. Vous m’avez cherché querelle à propos de dame Hersent : quelle folie de vous être soucié de si peu de chose, et comment peut-on mettre confiance dans une femme ! Il n’en est pas une qui le mérite ; d’elles sortent toutes les querelles, par elles la haine entre les parens et les vieux amis ; par elles les compères en viennent aux mains ; c’est la source empoisonnée de tous désordres. On me diroit d’Hermeline tout ce qu’on voudroit, je n’en croirois pas un mot, et je ne mettrois pas assurément ma vie en danger pour elle. »

Ainsi railloit le faux Renart, tout en faisant pleuvoir les coups sur les yeux, le visage d’Ysengrin, tout en lui arrachant le cuir avec le poil. Mais par un faux mouvement, le bâton dont il joue si bien sur le corps de son ennemi lui échappe ; Ysengrin met le moment à profit, il alloit se relever, son bras cassé l’en empêche. Renart conservoit donc l’avantage, quand, pour son malheur, il avance les doigts dans la mâchoire d’Ysengrin qui les serre avec ses dents de reste, et pendant que la douleur fait jeter un cri à Renart, l’autre débarrasse son bras droit, le passe au dos de son adversaire, le fait