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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/335

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MONIAGE DE RENART.

et qu’il étoit aussi bien portant que jamais. On étoit édifié de lui voir si bien retenir tous les articles de la doctrine chrétienne, et remplir si pieusement les devoirs d’un excellent religieux ; chacun des frères le chérissoit et le consideroit. La principale étude de frère Renart étoit pourtant de leur donner le change et de les gaber tous, à force de papelardise.

Aucunes gens disent qu’il demeura dans l’abbaye jusqu’à la fin de ses jours et qu’on l’eût canonisé, si sa fausse dévotion n’avoit pas été révelée, après sa mort, à un saint et pieux hermite dont Renart avoit plus d’une fois mangé la pitance. D’autres disent que tout en suivant le service divin, le frère Renart ne laissoit pas de penser souvent aux belles gelines dont la tendre graisse lui alloit si bien au cœur. La tentation souvent renouvelée fut enfin la plus forte ; mais grace au saint habit qu’il portoit, il put tromper longtemps la confiance des moines. L’ennui l’avoit pris de jeuner, de veiller pour ne rien prendre, de suivre le chant des offices au lieu de faire chanter damp Tiecelin ou Chantecler. Un jour, après le service qu’il avoit entendu d’une extrême dévotion, on ne fut pas surpris de le voir demeurer derrière les autres, le nez dans son bréviaire. Au sortir du moutier, il vit entrer dans l’infirmerie quatre beaux chapons