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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/371

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SUR LE ROMAN DE RENART.
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rien à de telles imaginations, velut ægri somnia, et nous les abandonnons de grand cœur aux moines, aux poëtes flamans ou allemans qui les ont recueillies.

Ce qu’on appelle en françois le roman de Renart est une série de fabliaux originaux. C’est d’ailleurs le beau privilége de la littérature françoise du moyen âge, de n’avoir traduit ou imité que des ouvrages latins ; tellement qu’on auroit grande peine à citer un seul de nos trouvères qui ait, avant le quinzième siècle, emprunté la moindre chose aux muses flamandes, allemandes, italiennes, espagnoles ou angloises. De la France, au contraire, le flot littéraire fécondoit toute l’Europe ; et chaque nouvelle étude dans les domaines du moyen âge constate mieux cette vérité, que M. J. Grimm lui-même est bien près de reconnoître.

Les principaux auteurs de Renart sont l’anonyme auquel on doit le prologue, et Pierre de Saint-Cloud. Mais le succès de leurs récits ne pouvoit manquer d’exciter l’émulation des autres trouvères : les jongleurs demandoient à chacun de nouvelles aventures de Renart, et c’est ainsi que l’on fut conduit à contrefaire, et le plus souvent à gâter et deshonorer, les inventions des deux premiers conteurs ; les uns l’essayèrent avec l’espoir de faire mieux ou aussi bien, les autres pour répondre aux appétits de la plus méprisable populace. Tous ces récits, qu’ils soient originaux ou travestis, doivent pourtant appartenir au douzième siècle, et c’est je pense avant 1200 qu’on en fit des recueils dont un certain nombre nous est parvenu. Ce qui me porte à le croire, c’est que le Renart couronné, composé vers l’année 1252, le Renart bestourné de Rutebeuf,