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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/69

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LE MONIAGE D’YSENGRIN.

— Par nos bottes ! si vous voulez être moine, vous serez bientôt mon supérieur ; car, je n’en doute pas, avant la Pentecôte, nos frères s’entendront pour vous élire abbé.

— Se pourroit-il ? oh ! non, vous raillez.

— Non vraiment ; par mon chef ! vous feriez le plus beau rendu du monde, et quand vous aurez passé les draps noirs sur votre pelisse grise....

— Alors, vous me donnerez autant de poisson que je voudrai ?

— Tant que vous voudrez.

— Cela me décide ; faites-moi rogner tout de suite.

— Non pas seulement rogner, mais raser.

— Raser ? je ne croyois pas qu’on exigeât cela. Qu’on me rase donc !

— Il faut attendre que l’eau soit un peu chaude ; la couronne n’en sera que plus belle. Allons ! elle est à peu près comme il faut ; ni trop froide ni bouillante. Baissez-vous seulement un peu et passez votre tête par le pertuis que j’ouvre maintenant. »

Ysengrin fait ce qu’on lui dit ; il allonge l’échine, avance la tête, et Renart aussitôt renverse le pot et l’inonde d’eau bouillante. « Ah ! » s’écrie le pauvre Ysengrin, « je suis perdu ! Je suis mort ! au diable la tonsure ! vous la faites trop grande. » Renart, qui rioit sous cape :