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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/82

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DIXIÈME AVENTURE.

Primaut, la chasuble sur le dos, monte à l’autel, ouvre le missel, tourne et retourne les feuillets ; il pousse des hurlements qu’il regarde comme autant de traits mélodieux. Cependant Renart croyant le moment arrivé de déguerpir, se coule sous la porte par le trou qu’ils avoient pratiqué, rejette la terre qu’ils en avoient enlevée, ferme l’ouverture, et laisse Primaut braire et hurler tout à son aise.

Or, comme on le pense bien, le son des cloches arrive au presbytère. Le prêtre étonné saute à bas de son lit, approche du feu la chandelle qu’il allume, appelle Giles son clerc, son chapelain, et sa femme[1], se munit d’un levier, prend la clef du moutier, ouvre la porte et s’avance avec inquiétude. La dame s’arme d’un pilon, le chapelain d’un fouet et le clerc d’une massue qui lui donne quelque chose de l’air et de la démarche d’un énorme limaçon.

Le prêtre fut le premier à distinguer, devant l’autel d’où partoient les cris, un personnage tonsuré, enchasublé, dont il ne peut reconnoître les traits. Il recule, il revient à plusieurs reprises, enfin il s’imagine avoir affaire au diable et se sent pris d’une telle épouvante qu’il en perd connaissance. La prêtresse pousse les

  1. En ce temps-là, c’est-à-dire vers 1170, l’Église permettoit encore aux prêtres de garder la femme qu’ils avoient épousée avant d’être ordonnés.